Le Dr Anthony Scriffignano, premier vice-président et responsable scientifique des données chez Dun & Bradstreet, s'est joint au Dr David A. Bray, directeur du GeoTech Center au Conseil atlantique et à Michael Krigsman pour un récent CXO Talk sur le thème de l'utilisation de la science des données pour la gestion des crises. Il n'est pas surprenant que le nouveau coronavirus ait été le sujet principal. Voici les points forts de la conversation.
La situation dans laquelle le monde se trouve avec le coronavirus est sans précédent à bien des égards. Du point de vue de la science des données, par exemple, la nature des données disponibles et l'approche des tests de dépistage du virus évoluent à mesure que nous essayons de mesurer son impact. C'est un scénario cauchemardesque pour de nombreuses méthodes traditionnelles en science des données, car il n'y a pas de base de référence ; la « vérité de terrain » n'existe pas. Ce manque de contexte a un impact sur la prise de décision et sur les types de méthodes qui peuvent être efficaces.
Bien sûr, le coronavirus a un impact sur les économies, les chaînes d'approvisionnement et la géopolitique. En se déplaçant, la pandémie affectera différentes parties de la chaîne de valeur intégrée du monde, de différentes manières et à différents moments. Même si ce n'est pas intentionnel, les gouvernements auront un impact sur les domaines des uns et des autres, ce qui entraînera une perturbation accrue. Cette perturbation aggravée complique également les efforts visant à utiliser les données pour prendre des décisions éclairées.
Apprentissage et évolution
Le Dr Scriffignano a établi un parallèle avec le monde des affaires, dans lequel il y a généralement un point où il y a suffisamment d'informations pour prendre une décision, mais pas nécessairement suffisamment d'informations pour prendre une bonne décision. Dans ce type de situation, il faut constamment revoir ce qu'il faut comprendre pour améliorer la décision sur la base de nouvelles données. À mesure que les données changent, les décisions et les réactions doivent être ajustées. Il faut utiliser des méthodes qui sont des apprentissages du moment, basées sur des actions et des réactions, car généralement en cas de crise, on ne dispose pas de données historiques dont on peut tirer des enseignements.
Il est encourageant de constater que les docteurs Scriffignano et Bray ont estimé que la bonne pensée scientifique se manifeste largement dans la crise actuelle, avec des exemples d’informations faisant référence à ce qui a été dit hier, à ce que l'on croit être vrai et donc à ce qui est fait. Un tel « ancrage » de la recherche est l'une des caractéristiques de la bonne science. Il a été souligné que la science est toujours en train d'apprendre (que ce soit en temps de crise ou non). Nous continuerons d’en apprendre davantage sur l'impact du coronavirus sur le monde. Les bons dirigeants (gouvernements et entreprises) doivent communiquer de manière authentique ; par exemple, « Je vous donne les meilleurs conseils en me basant sur ce que je sais aujourd'hui et je vais continuer d’apprendre et d’adapter ma réponse en fonction de ce que j'apprends ».
Il est essentiel de tester et d'apprendre. Le Dr Bray note que « échec » = la première tentative d'apprentissage itératif. Le Dr Scriffignano a fait la remarque suivante : « Je dis simplement : ‘’Faites de nouvelles erreurs chaque jour’’ »
Ayez les bonnes questions!
Il est intéressant de noter que les données ne sont pas nécessairement « parlantes », c'est l'interprétation des données qui est parlante. Pourtant, toute personne qui interprète les données aura des préjugés. Les différentes méthodes et techniques ont des conditions préalables. Des méthodes telles que l'apprentissage automatique nécessitent souvent une formation ou des exemples. Pour l'instant, nous n'avons pas d'exemples. Nous devons faire des déductions, aller de l'avant et tirer de nouvelles conclusions. Selon M. Scriffignano : « Oui, les données sont importantes, mais ce sont les conditions préalables, la pensée critique, les questions que nous posons et la manière dont nous défions les préjugés qui nous permettront de passer au travers ».
Trouver la vérité?
Interrogés sur la recherche de la « vérité », les docteurs Scriffignano et Bray ont répondu que dans toute situation de crise, l'impact de la vérité est davantage lié à ce que l'on croit à un moment donné et pourquoi. Il y aura de nombreuses « vérités » concurrentes qui proviendront de différentes perspectives, notamment la latence des données, la perspective de l'observateur, la perturbation ou la suppression intentionnelle des données, et d'autres facteurs. Lors d'une crise, il se peut qu'il n'y ait pas de vérité absolue. Le conseil était de se concentrer sur ce que l'on croit et pourquoi, et comment ces croyances influencent les décisions prises. Utilisez des questions pour guider la réflexion : Quelles sont les données nécessaires ? Quelles sont les prévisions que nous essayons de faire ? Qu'apprend-on ? Comment cela nous fait-il avancer ?
Lorsqu'on leur demandait des conseils sur les données auxquelles croire, ils répondaient :
- La triangulation – chercher à obtenir les mêmes données d'une autre source (qui ne cite pas la même origine);
- toujours poser la question « Que dois-je croire pour croire ce chiffre ? » (par exemple, si un pays publie des données sur le taux d'infection, les premières choses que vous devez croire sont que le pays mesure le taux d'infection de la même manière que vous, que le chiffre est à jour, que les informations n'ont pas été modifiées, etc.).
Comment diriger en temps de crise
En cas de crise, c'est l'authenticité, la communication et la collaboration qui l'emporteront. Plus on est authentique sur ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas, mieux c'est. Bien sûr, ce conseil peut être délicat dans un monde où tout le monde possède un téléphone intelligent. Le terme « infodémie » a été utilisé pour décrire l'état d'inondation de données contradictoires ; avec une telle quantité d'informations (et parfois de désinformation), cela devient accablant (pour les dirigeants aussi). On a également fait remarquer que tout ce qui est vrai ne reste pas vrai dans le temps. Cela peut être particulièrement vrai en période de crise très dynamique, ce qui rend l'authenticité, la communication et la collaboration plus difficiles, mais aussi plus importantes.
Le seul moyen d'y parvenir est d'agir ensemble
Lorsqu'il a été demandé à M. Scriffignano de fournir des conseils aux chefs d'entreprise sur l'utilisation des données pour gérer une crise, il a insisté sur trois points principaux :
- la communication authentique;
- la collaboration – il n'est pas possible qu'une personne ou une organisation puisse tout savoir sur la situation;
- la pensée au-delà de la crise - mettez une partie de votre esprit en commun avec les stratégies que vous voulez mettre en œuvre une fois que nous sortirons d'une crise. Les entreprises veulent pouvoir « sortir » de la situation, et non pas « tomber ».
En conséquence, M. Bray a noté qu'en cas de crise, de nombreuses organisations créent deux équipes :
- l’équipe alpha – les premiers intervenants chargés de traiter les problèmes immédiats de la crise;
- l’équipe bêta - chargée de réfléchir à ce qui est manqué, à ce qui est nécessaire pour soutenir l'équipe alpha lorsqu'elle arrive aux stades ultérieurs du soutien en cas de crise, et à d'autres questions à plus long terme.
Les deux intervenants ont fait remarquer qu'il est essentiel que les personnes, les entreprises et les gouvernements travaillent ensemble, tant au niveau local que mondial, pendant la crise immédiate et juste après. Le monde a changé, et l'ordre mondial ne sera plus le même après la crise du coronavirus. Comme l'a fait remarquer M. Scriffignano, le fait que la « Terre » (les nations du monde entier) puisse collaborer, même imparfaitement, comme cela s'est produit est assez étonnant.
Pour faire notre part avec l'aide de la collaboration, nous avons compilé un ensemble de ressources pour vous aider à naviguer les impacts du nouveau coronavirus sur votre entreprise. Visitez le site dnb.com/coronavirus.