L'analyse des risques agrégés s'étend aux marchés financiers avec l'ontologie FIBO et les données interentreprises

Une interview de Mike Lubansky, expert des données pour les marchés financiers (Blog 1 sur 2)

Nous avons récemment rencontré Mike Lubansky, le responsable des alliances stratégiques de Dun & Bradstreet, pour un entretien axé sur les marchés financiers, la conformité et les solutions fiscales, afin de discuter des implications de la norme de données FIBO qui se développe au sein du secteur financier et y joue un rôle de plus en plus important.

Mike dirige une équipe de stratégistes en solutions chargée de développer de nouvelles possibilités d'utilisation des contenus Dun & Bradstreet sur les marchés financiers et dans le secteur de la conformité. Il collabore aussi étroitement avec le Partner Innovation Center de D&B, un centre dédié au développement de différents prototypes de solutions impliquant notamment l'utilisation de la technologie des bases de données orientées graphe et du standard FIBO pour mieux relever les défis propres aux marchés financiers.

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Quel est votre point de vue sur le standard FIBO, sa valeur et son importance pour les entreprises des secteurs de la finance et de l'investissement?

Pour commencer, expliquons ce que désigne l'acronyme FIBO. Sur le site Web de l'Enterprise Data Management (EDM) Council, on trouve cette description :

« La Financial Industry Business Ontology (FIBO) est une ontologie commerciale conceptuelle développée par les membres de l'EMD Council. La FIBO fournit une description de la structure et des obligations contractuelles relatives aux instruments financiers, aux entités juridiques et aux processus financiers. Cette ontologie est utilisée dans une optique d'harmonisation des données réparties sur différents référentiels sous forme d'un langage commun (selon le principe de la pierre de Rosette), à des fins d'analyse des risques et d'automatisation des processus d'entreprise. »

Comme pour de nombreuses autres initiatives dans cette industrie, la naissance de la FIBO remonte à la crise financière. Cet événement à permis aux acteurs du secteur de prendre conscience de la nécessité de mieux gérer leurs données. La création de la FIBO découle de ce besoin d'appliquer des normes aux données, de comprendre en quoi elles consistent, de faire fructifier les actifs de données et d'utiliser ces données pour mieux répondre aux exigences réglementaires.

Les acteurs des marchés financiers sont désormais bien plus conscients des liens entre économie financière et « économie réelle ». Les normes telles que la FIBO permettent aux institutions financières de prendre des initiatives communes à grande échelle, au sein d'une industrie complexe.

Par exemple, une banque, à partir de toutes ses sources de données existantes, doit pouvoir regrouper de multiples sources de données primaires et tierces de façon structurée et claire au moyen d'un langage commun qui pourra être compris à la fois au sein de la banque et à l'extérieur, notamment par les autres institutions financières et les organismes de réglementation.

Les organismes de réglementation seront amenés à se familiariser avec la FIBO dans le cadre de la validation des principes industriels. S'ils jugent cette ontologie utile, ils pourraient prendre la décision d'exiger son adoption par les banques en tant que norme officielle. Cette décision serait un bénéfice mutuel pour les banques et les organismes de réglementation : elle permettrait aux banques d'acquérir de précieux renseignements à travers une meilleure gestion des données, tout en fournissant aux organismes de réglementation un langage commun qui faciliterait l'interprétation des données dans le cadre des procédures réglementaires.

En quoi la FIBO pourrait-elle permettre de résoudre certaines des difficultés auxquelles sont confrontées les sociétés financières?

De nombreux secteurs sont confrontés à un même défi : la rationalisation de sources de données disparates et la consolidation de données qualitatives regroupées dans un même corpus cohérent et facile à comprendre. Le problème se pose notamment lorsque l'interprétation des données donne lieu à des corrélations.

La dynamique des marchés financiers est unique et implique une approche particulièrement complexe des normes de données, de la gestion de données et des informations qui en découlent :

  • Certains produits financiers, de par leur nature même, ne répondent à aucune norme. C'est notamment le cas des produits dérivés. Ces instruments financiers génèrent des données contractuelles robustes et complexes.
  • Toutes les transactions financières/swaps ne relèvent pas du marché boursier (de gré à gré). Il s'agit plutôt de contrats bilatéraux entre les contreparties, ce qui laisse une certaine marge d'interprétation des données contractuelles par les contreparties et les organismes de réglementation.
  • Il existe différents types d'instruments financiers, dont bon nombre ont été créés rapidement et sans la structure propre aux normes de données.

En l'absence d'une bonne visibilité à l'échelle du portefeuille sur les risques inhérents aux transactions, aux contrats et aux parties qui y sont liées, les institutions financières elles-mêmes risquent de faire les frais de décisions médiocres et inefficaces en termes de déploiement du capital, et s'exposent également à une non-conformité aux exigences réglementaires.

Pour satisfaire les « geeks » de la donnée qui pourraient lire votre témoignage, pourriez-vous nous fournir quelques précisions sur le fonctionnement de la FIBO et sur son développement actuel?

L'EDM Council est le porte-drapeau de la FIBO et des organismes de réglementation apportent également leur contribution. Différents organismes chargés d'élaborer des normes sont impliqués, notamment l'Object Management Group (OMG), un consortium international de standardisation.

La FIBO se compose de différents groupes de travail, dont chacun est chargé de structurer les réseaux sémantiques de l'ontologie autour de différents aspects des services financiers selon les catégories suivantes :

  • « FIBO Foundations » (fondements) – entités commerciales, indices et indicateurs
  • « FIBO Contract Ontologies » (ontologies des contrats) – titres, produits dérivés, fonds et prêts
  • « FIBO Pricing and Analytics » – tarification, rendements et analytique
  • « FIBO Process » – opérations sur titres, assurance des titres et titrisation
  • « FIBO Future » – portefeuilles, positions et chaîne de blocs

La FIBO utilise la sémantique et l'ontologie :

  • La sémantique est également le concept utilisé pour la création du Web et des hyperliens. La sémantique donne du sens à chaque point de données, qu'elles soient structurées, semi-structurées ou non structurées. La technologie sémantique est utilisée pour apliquer une norme de données en cartographiant ces dernières ou en y rattachant un sens précis. Elle repose sur l'utilisation de dictionnaires et de taxonomies.
  • Les ontologies élargissent l'interprétation sémantique pour décrire les relations entre les différents éléments de données.

Quels sont le rôle et la valeur des données commerciales supplémentaires et de l'analytique dans l'amélioration des données utilisées par la FIBO?

L'agrégation des risques est un thème d'actualité répondant à la nécessité de respecter les exigences réglementaires (BCBS239.) C'est à ce niveau que la FIBO et les données tierces améliorées jouent un rôle.
Mike Lubansky, Senior Director, Global Alliances Strategy, Dun & Bradstreet
 

L'agrégation des risques est un thème d'actualité répondant à la nécessité de respecter les exigences réglementaires : on peut citer l'exemple du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (BCBS239.) C'est à ce niveau que la FIBO et les données tierces améliorées jouent un rôle.

Les « fondations » de la FIBO mentionnées ci-dessus comportent la catégorie des « entités commerciales ». Pour obtenir un aperçu complet de la situation commerciale et procéder à l'agrégation des risques, il faut créer un fichier maître reliant un instrument financier – par exemple, une transaction dérivée – à la bonne entité commerciale. Une fois constitué, le fichier maître peut être enrichi pour inclure les données issues des systèmes internes d'une institution financière et de sources tierces fiables.

 

Un fournisseur de services financiers peut disposer d'une base de données de référence relative à une entité commerciale, sans toutefois disposer d'un aperçu aussi précis des entités commerciales qui y sont apparentées en termes de propriété et de relations de contrôle. La réelle valeur émerge lorsque les données de base d'une entité tiennent compte des corrélations avec les entités apparentées, notamment dans les hiérarchies en propriété juridique (lorsqu'une société détient une autre société à plus de 50 %), les relations de propriété minoritaires (lorsqu'une société détient moins de 50 % d'une autre société), ou dans le cas de la propriété bénéficiaire (lorsqu'un individu détient ou contrôle plus de 25 % des parts ou des voix d'une société, ou exerce une autre forme de contrôle sur la société ou sa gestion.)

Une fois qu'une entreprise de services financiers obtient un aperçu de la hiérarchie de transactions correspondante et des entités commerciales corrélées, elle est alors en mesure de mettre au point des stratégies analytiques plus pertinentes et de procéder à une agrégation des risques afin de mieux comprendre l'exposition au risque-pays et au risque transitif.

L'exploitation de toutes les sources de données pertinentes disponibles et de l'ontologie pour structurer les données et obtenir un aperçu clair des entités commerciales et de leurs relations permet de révéler des risques et des possibilités. Les acteurs de l'industrie l'ont bien remarqué.

Ne manquez pas la seconde partie de ce blog, qui illustrera une validation de principe en cours avec une banque chef de file qui teste actuellement la norme FIBO avec les données D&B au sein d'un outil analytique dans une optique d'analyse des risques.

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